Est-ce la fin de l’âge d’or du cannabis en Espagne ?

  • L’Espagne était un territoire assez tolérant en matière de politiques globales sur le cannabis ces 20 dernières années.
  • C’est un pays européen qui semblait attractif en ce sens, avec la naissance des growshops au début des années 2000 et des banques de graines réputées internationalement, des foires cannabiques de plus en plus nombreuses, l’apparition des « Cannabis Socials Clubs » aux quatre coins du pays, avec une présence si importante de ces derniers à Barcelone où de nombreux amateurs de la plante venaient y faire leur pèlerinage cannabique jusqu’alors.
  • Les fleurs et produits CBD ont également créé un véritable tsunami récemment. Depuis peu, il semblerait que le panorama ibérique soit en train de changer et que l’on assiste même à un retour en arrière, mais que se passe-t-il donc au pays de Don Quixote actuellement ?

La naissance des growshops espagnols

À la fin des années 90 un nouveau phénomène assez exotique faisait son apparition sur le sol ibérique, des boutiques d’un genre nouveau voyaient le jour : les Growshops. Ces boutiques remplies de tout le matériel nécessaire pour faire pousser du cannabis (lampes, systèmes de ventilation, chambres de culture, fertilisants, produits phytosanitaires, substrats, pots, graines de cannabis de la plus grande qualité, livres, etc.) et que l’on ne voyait jusqu’ici exclusivement en Hollande, arrivaient progressivement en Espagne. Ils sont apparus et se sont développés rapidement en nombre à travers tout le pays.

 La plupart d’entre eux ressemblaient à de petites boutiques assez désordonnées, avec une ambiance un peu mystique à l’intérieur, mais en réalité, c’étaient des endroits très chaleureux, où tout passionné pouvait partager son savoir, ses expériences, acquérir du matériel, des génétiques et passer d’agréables moments en compagnie de nombreux cannabiculteurs sympathiques au sein de ce fabuleux carrefour de rencontre « à l’ancienne ».

Rappelons-nous-qu’en ce temps-là internet n’était pas aussi démocratisé qu’aujourd’hui, ces endroits étaient donc de véritables mines d’or pour les adeptes de cette formidable plante. La disponibilité tant des informations relatives à la culture comme des produits dédiés, était beaucoup plus rare à l’époque. Il a donc été assez logique d’assister à un succès sans précédent de ces derniers.

Il semblerait que depuis quelques mois certains growshops se situant aux quatre coins du pays, font face à des interventions de la guardia civil, qui fait la chasse, entre autres, aux fleurs CBD dans ces établissements. Les autorités souhaitent vérifier que ces sommités florales respectent le taux légal de 0, 2% de THC, sans tenir compte de la teneur en CBD. En vérifiant également la traçabilité de l’origine des produits, les documents administratifs correspondants, la comptabilité, etc.

Certaines entreprises ont aussi été accusées de complicité de participation directe au narcotrafic, comme c’est le cas pour un growshop d’Almeria, dont 18 personnes ont été détenues, parmi lesquelles plusieurs employés et clients de cette entreprise. Selon la version de la police espagnole, le growshop entretenait une relation directe avec des narcotrafiquants et agissait en tant que « collaborateurs directement impliqués dans le développement d’une activité illégale ». Dans cette affaire, les chefs d’accusation retenus contre eux constituent plusieurs délits contre la santé publique et aussi l’appartenance à une organisation criminelle.

La problématique majeure est qu’il existe clairement un manque de régulation légale, qui permettrait à chaque acteur de connaître exactement les possibilités qui leur sont offertes. C’est de toute évidence une carence dramatique du système espagnol actuel, un marché que l’on a toléré depuis plus d’une vingtaine d’années et qui a atteint une taille considérable aujourd’hui. Seulement, il n’est encadré par aucune loi spécifiquement dédiée et adaptée jusqu’à présent. C’est un aspect tragique pour l’ensemble des acteurs du secteur.

L’Espagne étant géographiquement à proximité du Maroc, il existe une véritable culture du haschich là-bas depuis environ une quarantaine d’années, c’est-à-dire depuis la période de l’après franquisme (début des années 80). Même si le cannabis est complètement illégal depuis longtemps au sein de la péninsule ibérique, il est important de reconnaître que les Espagnols sont de véritables connaisseurs en matière de haschich de grande qualité.

De nombreuses personnes pensent que l’Espagne est le nouvel « eldorado » pour tous les amateurs de cannabis, mais en réalité la possession de l’ensemble des produits stupéfiants est complètement interdite, bien qu’il existe une certaine tolérance concernant la consommation ou l’usage modéré de cannabis. Les Espagnols sont d’importants consommateurs de cannabis depuis des décennies.

La région du rif au Maroc est bien connue de tous les amateurs de haschich. Il y a d’ailleurs une évolution intéressante à observer et à mentionner ici, car au départ le haschich marocain provenait d’une variété de kif locale nommée « Beldya », qui est une souche de kif endémique bien connue et appréciée par les berbères, comme par la population marocaine de manière générale. Cependant, cette dernière a été fortement concurrencée par l’apparition des hybrides de marijuana hollandais, qui permettent d’obtenir des quantités de fleurs abondantes en grammes par plante, et dont le taux de THC est bien plus élevé par rapport à la Beldya locale.

C’est la raison pour laquelle, aux alentours de 2004, on a tout d’abord vu apparaître la « Khardala », dont nous ne connaissons pas exactement les origines, mais il semblerait que ce soit un hybride entre la « Beldiya » et un hybride hollandais non identifié. L’usage de cette variété a marqué la première évolution du haschich marocain. De nos jours, nous savons que ce sont de très nombreuses variétés modernes, qui sont utilisées pour produire le haschich, dont les propriétés des fleurs n’ont plus rien à voir, avec ce qu’elles étaient originellement.

Il faut savoir qu’en Europe, la majeure partie du trafic illégal de cannabis était générée par le haschich qui provenait du Maroc jusqu’au début des années 2000. À l’époque actuelle, c’est complètement différent, car l’autoculture a connue un développement exponentiel en Europe, comme au niveau mondial, car les consommateurs sont davantage intéressés par la marijuana de manière globale, et qu’ils sont naturellement devenus beaucoup plus exigeants sur la qualité du produit fini qu’auparavant. 

L’apparition des banques de graines espagnoles

Si nous remettons les choses dans leur contexte, à l’époque, la scène cannabique est largement dominée par les Hollandais. Nous étions au début des années 2000, Amsterdam était clairement la capitale emblématique du cannabis récréatif en Europe, « the place to be » en ce temps-là. Tout passionné se devait de réaliser un pèlerinage digne de ce nom, afin de découvrir l’ambiance mythique des coffee-shops hollandais comme de succomber au menu alléchant des produits qu’ils proposaient alors.

Des noms de variétés comme Jack Herer, White Widow, Skunk#1, Super Skunk, Silver Pearl, Super Silver Haze, White Rhino, Orange Bud étaient bien connus et le bouche à oreille croissant reflétait parfaitement leur attraction comme une demande grandissante auprès du public.

Les banques de graines de cannabis les plus en vogue à cette époque-là étaient Sensi Seeds Bank, Dutch Passion, MR Nice, Serious Seeds, Green House Seeds, KC Brains, Sagarmatha Seeds, Soma Seeds, Homegrown Fantasy Seeds et Nirvana. Toutes ces banques de semences étaient exclusivement hollandaises.

Cette suprématie ou monopole n’a duré qu’un certain temps, tout simplement, car le succès des growshops espagnols fut tel, que le niveau de connaissance et l’expérience des cultivateurs ont rapidement évolué dans l’intégralité de la péninsule. De plus, le contexte politique Hollandais a lui malheureusement connu une tournure défavorable à partir de 2003-2004, avec l’apparition d’une politique davantage répressive. Ce qui a entraîné un fort ralentissement de l’industrie du cannabis aux Pays-Bas et le déménagement de la plupart des sociétés néerlandaises vers l’Espagne.

Les Espagnols ont donc rapidement réagi à la mouvance hollandaise et ont su profiter optimalement de l’opportunité qui leur était offerte. À tel point qu’ils sont devenus de grands spécialistes de la graine de cannabis féminisée, chose que les Hollandais n’avaient pas encore réussi à faire à ce moment-là.

C’est ainsi que nous avons vu les premières banques de semences de cannabis apparaître en Espagne aux alentours de 2005, avec la naissance de Dinafem, Sweet Seeds, Medical Seeds, Cannabiogen, Resin Seeds, Reggae Seeds, Eva Seeds, etc. Il est bon de savoir que la majorité de ces marques ont été créées à l’origine par des entrepreneurs issus des growshops. Pour la plupart, ils pratiquaient les deux activités conjointement, cela était tout à fait logique à ce moment-là, car ils étaient au premier plan de ce marché.

Lire cet article  La légalisation du cannabis en Allemagne : fin de la stigmatisation et début de la normalisation

La réponse du marché a dépassé toutes les expectatives que l’on pouvait en attendre, car la plupart de ces banques de graines ont connu un succès incroyable. La croissance de certaines d’entre-elles a été si forte et si rapide, que leur popularité est devenue mondiale. Cela a eu lieu grâce au développement planétaire d’Internet et à une demande extrêmement forte. Ces entreprises espagnoles sont devenues de véritables références internationales en la matière. Le commerce légal des graines de cannabis en Espagne était appuyé jusqu’alors par une décision du « Tribunal Supremo » de 2003.

Tout allait parfaitement bien dans la péninsule ibérique jusqu’au 16 septembre 2020 pour l’ensemble des entreprises de ce secteur, seulement cette date s’accompagne d’une nouvelle tragique car c’est le jour où le groupe POT Sistemak S.L., propriétaire des marques Dinafem, LaMota et Humboldt Seeds Organization, a subi une intervention policière sans précédent, entrainant la cessation de l’intégralité de leurs activités.

Les agents de la Guardia Civil et l’Agence Fiscale Nationale sont intervenus dans leurs entrepôts, avec également l’aide d’agents de l’Agence Espagnole du Médicament et Produits Sanitaires du ministère de la Santé, et ont procédés à une perquisition à la suite de l’ordre donné par le tribunal central d’instruction n°6 de l’Audiencia Nacional, et promue par le parquet anti-drogue de la même entité judiciaire.

Les faits reprochés aux 18 personnes inculpées dans cette affaire constituent des crimes contre la santé publique, l’appartenance à une organisation criminelle et du blanchiment d’argent. Aujourd’hui, deux ans après les faits, l’affaire est toujours en cours d’investigation, sans plus de détails. Affaire à suivre…

Cela signifie que leur modèle économique a fonctionné durant plus de 20 ans, ils étaient des acteurs majeurs de l’industrie du cannabis européenne. Cependant, personne ne sait à présent comment les choses vont évoluer pour les autres acteurs exerçant la même activité.

Le gros problème de tout cela, est que certaines de ces entreprises ont connu une croissance vertigineuse, car la forte demande était là et le marché croissant, seulement il n’existe encore aujourd’hui aucun cadre légal réglementaire et c’est là tout le fond du problème. On ne construit pas un empire sur des fondations fragiles. De plus, on dirait qu’aucune volonté politique ne se manifeste en ce sens. Ce qui nous démontre la grande fragilité de l’ensemble. Alors que nous sommes à une époque où la légalisation semble être l’option la plus logique et pragmatique pour le bien de l’intégralité de notre société.

Les foires cannabiques espagnoles sont de grandes et belles manifestations festives qui réunissent tous les acteurs du marché depuis 2002, date à laquelle s’est tenue la première édition de la Spannabis au Palau Sant Jordi de Barcelone.

On totalisait une dizaine de salons cannabiques annuellement à travers tout le pays avant la pandémie Covid-19. Ces événements connaissaient une fréquentation incroyable, notamment la Spannabis, car elle a une renommée internationale. Elle attirait donc tant les entreprises les plus réputées du secteur que des visiteurs en masse, en provenance de pays comme les États-Unis, le Canada, l’Australie, la Colombie, L’Uruguay, le Chili, L’Argentine, le Mexique, la Chine, Israël, ainsi que la grande majorité des pays européens y étaient représenté.

Avec une moyenne de fréquentation dépassant les 30 000 visiteurs par jour, il est assez facile de se rendre compte qu’elle est tout simplement l’événement majeur du secteur en Europe, où peuvent se rencontrer pléthore de professionnels, mais aussi de passionnés experts en la matière.

Lors de ces manifestations festives, vous pouviez rencontrer sur leur stand un nombre important de professionnels du secteur, proposant un éventail très complet de services (marketing/communication numérique, presse/publicité cannabique », cabinets d’avocats spécialisés et autres services spécifiques), comme tout l’équipement nécessaire à la culture du cannabis.

On y retrouve entre autres, les graines, fertilisants, armoires de culture, lampes, systèmes de ventilation, de gestion autonome (arrosage/illumination/aération/CO2), de culture divers (hydroponie/aéroponie/NFT,etc.), pots, dispositifs anti-odeurs (filtres à charbons actifs/aérosols/gels et blocs déodorants) et de traitement de l’eau, machines à récolter, mobilier et consommables pour la bonne conservation de la récolte (coffret en bois de cèdre, pots en verre décorés, contenants en chanvre/matières recyclés) etc.

Le secteur s’est bien étoffé lors de la dernière décennie, car on trouve à présent vraiment toute la panoplie complète et pratique du « parfait petit cannabiculteur en herbe ».

Elle a été la pionnière du genre, avec plus de 17 éditions qui se sont déroulées durant les deux dernières décennies. La ville de Barcelone connaît une affluence massive lors de la durée de la Spannabis, avec le plus souvent de nombreuses animations organisées par les Cannabis Social Clubs (CSC) locaux. Parmi les autres foires du secteur, il était possible d’assister autour de 2008 à la Highlife de Pampelune, Expocannabis à Madrid à partir de 2010, Spannabis à Malaga, Growmed devenue récemment Cannamed à Valence, Expogrow à Irun à partir de 2012, Expocañamo à Séville, Viñagrow à Villarrobledo et Intercannabis à Alicante.

Le nombre total de salons cannabiques est révélateur sur le développement et la pertinence du secteur à partir de 2010, il est évident de se rendre compte du fort engouement que connaît l’industrie du cannabis dans tous ses aspects.

L’ensemble de ces événements s’est déroulé sans le moindre accroc durant plus de 20 ans, pourtant ne pourrait-on pas craindre la disparition de ces dernières dans un futur proche ?

Nous connaissons parfaitement l’objectif de ce type de manifestation, qui est de réunir la palette la plus large possible de professionnels du secteur et d’offrir l’opportunité au public de pouvoir les rencontré directement. C’est également un événement festif, où se tiennent de nombreuses animations ludiques diverses et variées (concerts, jeux, etc.) pour divertir le public, avec également des stands de restauration en tous genres en cas de faim ou de soif.

Tout cela représente une perception de premier plan, mais le rôle essentiel de ces foires du cannabis est surtout de promouvoir, d’animer et de dynamiser toutes les activités du secteur, dans le but de favoriser la croissance économique comme de pérenniser cette filière à part entière.

Par le biais de ces quelques lignes, nous comprenons que nous sommes face à une grande inconnue, mais surtout que tout est possible, c’est pourquoi il est préférable de rester objectif pour l’heure et d’attendre de voir comment vont évoluer les choses.

En tout état de cause, ces salons sont et restent de superbes carrefours de rencontre entre clients passionnés et les professionnels. Lorsque nous assistons à ce type de manifestation festive, comme à la Spannabis de Barcelone par exemple, il semblerait que tout soit parfaitement légal, alors que dans les faits cela n’illustre aucunement la réalité autorisée par la loi.

Si on fait plusieurs recherches sur google, il est assez facile de se rendre compte de l’ampleur de l’offre des nombreuses variétés de « seeds », comme de l’ensemble des produits nécessaires pour cultiver votre plante préférée, qui sont disponibles et facilement accessibles par le biais de pléthore de sites marchands sur internet.

Attention à ne pas s’y méprendre, car cela ne concerne pas seulement un pays comme l’Espagne, car un rapport de l’Europe reflète clairement que la consommation de cannabis est très élevée en France, en Italie, au Portugal, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Belgique comme dans d’autres nombreux pays Européens. Tout ces éléments nous laissent penser que la politique européenne des drogues devrait être largement revue concernant le cannabis, car elle est complètement obsolète et ne correspond plus à la tendance mondiale auto réalisatrice du chanvre actuelle.

Les cannabis social clubs espagnols (CSC)

Les « cannabis social clubs » ou clubs sociaux du cannabis, sont des structures associatives à but non-lucratif, composées exclusivement de personnes majeures. Chaque cannabis social club est en fait concrètement constitué d’un groupe de membres dont le nombre est limité, qui partage, qui organise et qui gère la production comme la distribution de cannabis en cercle fermé, exclusivement pour les besoins personnels de leurs adhérents.

C’est un modèle de régulation du cannabis assez fragile que l’on retrouve internationalement, dans des pays comme l’Espagne, la Nouvelle-Zélande, la Belgique, les Pays-Bas, la Slovénie, l’Uruguay, l’Allemagne et l’Angleterre.

Le premier cannabis social club à être apparu dans la péninsule ibérique était l’ARSEC en 1993.

Lire cet article  L'achat de graines de cannabis en France : ce que vous devez savoir

(Asociación Ramón Santos de Estudios Sobre el Cannabis), suivi par le CCCB (Club de Catadores de Cannabis de Barcelona), la MACA (Moviment Associatiu Cannàbic d’Autoconsum). Ces 3 associations étaient catalanes, puis l’AMEC (l’Asociación Madrileña de Estudios sobre el Cannabis). Tous ces clubs associatifs font partie de l’histoire du cannabis espagnol.

De nombreuses nouvelles associations cannabiques ont vu le jour à partir de 2002, à travers l’intégralité du territoire espagnol. Cela fut la conséquence d’une décision de justice qui affirmait que l’autoculture pour une consommation personnelle ne constitue pas un crime, à partir du moment où il n’existe aucune finalité de trafic avéré. Plus de 1600 clubs sociaux de cannabis seraient recensé dans toute l’Espagne, ce qui reflète l’ampleur du phénomène.

Bien que beaucoup de temps se soit écoulé depuis l’apparition des premiers CSC, ce modèle associatif reste cependant très fragile. Leur perception auprès de l’opinion publique devient de plus en plus favorable au fil du temps, mais cela ne suffit pas, seule une véritable régulation leur permettrait d’entrevoir un avenir plus serein. Malheureusement, nombreux sont ceux qui subissent régulièrement des interventions policières pour de multiples raisons de nos jours. Ce mouvement national a même réussi à créer plusieurs fédérations provinciales et régionales, nommées les FAC (fédérations des associations cannabiques)

Dans l’actualité récente, plusieurs cannabis social clubs ont connu le chemin des tribunaux, avec des condamnations prononcées à l’issue de leurs jugements respectifs. Comme cela a été le cas pour l’AUETCG (l’Asociación de Usuarios para el Estudio Terapéutico del Cannabis de Gandia), qui a été condamnée par l’Audiencia de Valencia à la fermeture définitive de l’association, avec également une peine de prison de trois ans pour le président et de deux ans pour le secrétaire et le trésorier.

L’association « Casa Maria » de Pontevedra a aussi été fermée par le tribunal suprême provincial, avec à la clé une peine carcérale de trois mois pour ses deux fondateurs. Le CSC Acmefuer situé à Las Palmas aux îles canaries a également été condamné par le tribunal provincial local, dont 13 membres

ont écopé des peines de prison allant de 6 à 15 mois, assorties de fortes amendes pouvant atteindre plusieurs centaines de milliers d’euros.

Les CSC barcelonais 

Barcelone est une destination touristique très attractive pour les voyageurs des quatre coins du globe. Il est vrai que c’est une ville où il est très agréable de séjourner, grâce à la beauté de son centre historique, avec la célèbre Sagrada Familia de Gaudi, le marché aux mille couleurs de la Rambla, une zone portuaire bien aménagée, ses très nombreuses et somptueuses boutiques en tout genre, la diversité comme l’exotisme de ses délicieux restaurants, hôtels, ou encore la richesse de la vie nocturne qu’elle peut vous offrir, tout cela sous un climat méditerranéen idéal.

Il faut reconnaître aussi qu’elle est devenue un lieu de découverte de premier choix, pour tous les amateurs passionnés de cannabis ces dernières années. Avec plus de 200 cannabis social clubs au cœur de la capitale catalane, vous n’avez que l’embarras du choix. La diversité des produits présentés est telle, que vous trouverez facilement chaussure à votre pied.

Il est tout à fait possible de rencontrer des produits présentant un standard de qualité proche de ceux que l’on retrouve en Californie aujourd’hui. Les Espagnols ont désormais une longue expérience de la culture du cannabis, leur niveau de connaissance et d’exigence sont donc logiquement élevés. Vous n’avez plus besoin de vous rendre à Los Angeles pour consommer des produits californiens « top shelfs » (de qualité supérieure), Barcelone saura satisfaire à coup sûr toutes vos envies.

On peut même dire que la scène cannabique barcelonaise a largement dépassé tout le charme de la belle Amsterdam en ce sens. Pendant la Spannabis, 1er salon cannabique d’Europe, les nombreux CSC de Barcelone organisent de nombreux événements « pop-up » (animations de courte durée), à travers toute la ville. Ce qui génère une dynamique importante de la part de la communauté cannabique au sein de la ville.

La plupart de ces associations cannabiques ont été constituées à partir de 2013, leur nombre n’a fait que croître fortement depuis cette date. Leur succès et notoriété sont tels, que bon nombre d’entre elles ont noué des liens étroits avec des acteurs reconnus de l’industrie du cannabis américaine. La très célèbre marque « Cookies » du rappeur Berner, originaire de San Francisco, a également pris ses quartiers à Barcelone.

« La Cookies Fam » a récemment décidé d’y ouvrir un magasin de vêtements, ainsi qu’un « cannabis social club » à l’effigie de la marque. C’est tout sauf un hasard, car c’est une implantation stratégique dans une ville européenne où chose rare, la tolérance pour le cannabis est grande. C’est donc une prise de position intéressante pour ce grand groupe californien, au sein de l’industrie du cannabis européen.

Une lueur d’espoir leur apportant un élan de sérénité est apparue en 2016, car le Conseil municipal de Barcelone avait réussi à obtenir un règlement d’urbanisme intégrant la régulation des différents CSC de la ville. Celui-ci contenait certaines conditions légales à respecter concernant l’implantation comme le bon fonctionnement de ces établissements.

Malheureusement, un coup de théâtre est survenu au mois de juillet 2021, car la Cour Suprême de Catalogne a tout bonnement décidé d’annuler cette décision de justice, en expliquant qu’aucune municipalité n’est compétente pour s’octroyer le droit de créer une réglementation de cette nature. Ils soutiennent qu’une telle décision peut être adoptée, si et seulement si, elle provient directement du gouvernement central de Madrid. La mairie de Barcelone avait émis un recours en cassation auprès de la Cour Suprême espagnole, qui a rejeté ce dernier en avril dernier. Ce règlement d’urbanisme était la seule protection légale dont disposaient les clubs cannabiques de cette municipalité.

Cette triste nouvelle a donc obligé la ville de Barcelone à envoyer une lettre recommandée à chaque association en leur transmettant la modification de leurs règles de fonctionnement. La douche fut glacée pour les dirigeants des différentes structures barcelonaises, à la lecture de ce nouveau règlement. Les mots sont clairs, ils ne pourront plus promouvoir, cultiver, faciliter ou fournir du cannabis à leurs membres.

À partir de maintenant, ce type d’établissement a exclusivement le rôle ou la possibilité d’organiser des séminaires, des réunions pour apporter des informations à ses adhérents. Mais rien de plus au programme, plus clairement, c’est un mécanisme de neutralisation de ces structures. Pour couronner le tout, on leur annonce que des inspections seront effectuées en nombre, afin de vérifier que chaque association respecte bien la loi.

Pour l’heure, CatFac (la Fédération des cannabis social clubs de Catalogne) a déjà programmé une réunion avec la municipalité de Barcelone en septembre, afin d’aborder ce sujet en profondeur et d’essayer de trouver une issue qui serait autre que la fermeture massive de ces établissements.

D’autre part, il semblerait que Barcelone comme sa périphérie connaissent une forte recrudescence de la criminalité ces 5 dernières années, avec la présence de plusieurs organisations criminelles nationales et internationales. Des faits graves comme les règlements de comptes ou les vols par séquestration avec violence, sont des faits qui deviennent de plus en plus fréquents dans la capitale catalane et sa banlieue.

De plus, un phénomène nouveau fait maintenant son apparition dans des quartiers comme Sant Roc de Badalona ou à la Mina de Sant Adria de Besos, car certaines bandes criminelles essaient de plus en plus de faire pression sur certains habitants en instaurant un climat de terreur dans leur quartier, afin de les chasser de leurs logements. Tout cela dans le but de récupérer ces derniers, pour y installer des cultures illégales de cannabis et d’accroître ainsi leur activité économique. Il semble que ces organisations n’aient plus de limites, où s’arrêtera cette ascension criminelle ?

En étant tout à fait objectif, quelle est la solution à cela ? Le retour du marché noir dans les rues et les parcs de Barcelone, avec sa part d’obscurantisme et de criminalité exhaustive ?

Cela ne semble pas franchement être une solution viable en matière de santé comme de sécurité publique. Encore une fois, la seule solution pragmatique est tout simplement la régulation pour le bien de tous, accompagnée d’un projet social à la hauteur soutenus par le monde politique, afin de réorganiser cette partie sociétale défaillante actuellement dans cette métropole espagnole.

Lire cet article  Légalisation du cannabis en Suisse : sur la voie du pragmatisme ?

L’État Espagnol a voté en faveur de la régulation de l’usage thérapeutique du cannabis le 27 juin dernier, et non sans mal. Il aura fallut le courage immense d’une activiste cannabique largement reconnue, en la personne de Carola Perez, qui a dû participé à de nombreuses auditions parlementaires, afin d’être entendue sur la viabilité de l’utilisation des cannabinoïdes en médecine. Malgré ses nombreuses souffrances permanentes, causées par des douleurs chroniques aigües, suite à une lourde opération du coccyx il y a de nombreuses années, Carola a remporté une grande victoire pour de nombreux patients à travers le pays.

Carola consomme plusieurs grammes de cannabis par semaine, depuis de longues années afin de palier les douleurs qui l’empêche de vivre normalement au quotidien. Il est rare que la tranche politique consulte une personne civile pour prendre des décisions sociétales importantes, et pourtant c’est bien ce qu’il s’est passé, car ces derniers pâtissent d’une grande méconnaissance sur le sujet. 

Le marché du CBD en Espagne

Le cannabidiol plus connu sous le nom de CBD, est en fait un cannabinoïde qui ne produit pas d’effets psychotropes. On peut même dire que c’est un antagoniste du THC, ce qui veut dire qu’il annule significativement ses effets quand on le consomme simultanément ou à postériori du premier mentionné. Cependant, c’est bel et bien un phytocannabinoïde dérivé de la plante de cannabis, que l’on retrouve d’ailleurs en différentes proportions dans l’intégralité des variétés de chanvre enregistrées au catalogue européen contenant seulement 0,2 % de THC.

Tout ce qui touche au cannabis est toujours un sujet sensible au sein de notre société actuelle. Bien que L’ONU comme la commission anti-dopage du comité olympique l’ait déclassé de la catégorie des stupéfiants dangereux, et que de plus en plus de vertus bienfaisantes (récupération musculaire après l’effort, amélioration de la qualité du sommeil, etc.) lui soit attribué, le cannabidiol a la vie dure. Malgré une innocuité aujourd’hui suffisamment reconnue, le CBD crée encore de nombreuses polémiques néfastes, à tort.

Pourtant, la Cour de Justice Européenne a récemment rétabli une once de vérité dans l’affaire Kanavape devant les tribunaux français, en disant haut et fort « que l’on ne peut pas interdire ce qui n’est pas interdit » sur une simple interprétation des faits. Les deux jeunes entrepreneurs français, Sébastien Bèguerie et Anthonin Cohen, ont alors été acquittés des faits qui leur ont été reprochés. En 2014, la société Kanavape a voulu commercialiser un « vape pen CBD » ou stylo à vapoter au CBD, dont la teneur en THC respectait parfaitement la législation française (0, 2%).

Cette décision de la CJUE a bien été entendue par les tribunaux espagnols, cependant elle est, à ce jour, appuyée par aucune régulation européenne claire à ce sujet, elle pourrait donc exercer une certaine influence, mais n’a pas le même poids que des textes de loi en bonne et due forme. Par conséquent, le mot de la fin revient à l’interprétation ou appréciation de la juridiction locale concernée.

De nombreux pays européens commercialisent aujourd’hui des fleurs comme des produits dérivés du CBD avec une régulation clairement définie, sans le moindre problème. Sur le territoire espagnol, on observe un fort engouement pour ce cannabinoïde depuis 2020, avec l’apparition de nouvelles entreprises dédiées à la production comme à la transformation de ce dernier. Ce qui a surtout donné lieu à bon nombre d’interventions policières directement sur des sites de production à grande échelle à Grenade, Almeria, en Catalogne et dans d’autres provinces de la péninsule.

Le problème concret ici, est que de nombreuses personnes se sont lancées dans une activité non régulée par pur opportunisme économique, en ayant une profonde méconnaissance du secteur et des lois qui l’entoure. La finalité tragique est celle que nous connaissons aujourd’hui.

À la suite de l’apparition de la circulaire du ministère de l’Agriculture, ce qui ressemble à une forme de début de régulation a marqué le pas. Plus concrètement, toute entreprise voulant entreprendre une production de cannabis CBD pour quelle que soit la finalité, doit faire une demande auprès de l’agence espagnole du médicament, afin d’obtenir une licence de production, car pour l’heure, le cannabis CBD reste un stupéfiant en Espagne.

Récemment, la Guardia Civil a perquisitionné de nombreux « growshops » et bureaux de tabac qui commercialisaient différents produits dérivés du CBD, mais ce sont bien les fleurs qui retenaient toute leur attention, car celles-ci ont la même apparence que leurs cousines riches en tétrahydrocannabinol (THC). Ils voulaient tout simplement s’assurer du respect des taux légaux contenus dans les produits, comme de la traçabilité administrative et comptable des fournisseurs comme des établissements visités.

Cela ressemble à un tour de vis assez soutenu de la part de l’Espagne, est-ce la résultante d’un laxisme de plus de 15 ans qui donne le sentiment aux autorités que le cannabis est un sujet qui leur a complètement glissé des mains et qu’ils veulent en reprendre le contrôle ?

Ou bien que la distribution des licences de production de cannabis médical de la part de l’AEMPS (agence du Médicament Espagnole), entraîne une certaine (ré)pression progressive générale de la part de Big Pharma sur l’ensemble des acteurs « underground » qui composent et ont structuré cette industrie depuis plus de 25 ans ?

Ou encore que l’Union européenne, a lancé un appel aux autorités espagnoles pour fortement réduire la criminalité comme le développement général lié à l’industrie du cannabis sur leur sol ? (Avec un plan européen anti-drogue appuyé par un budget de plus de 3000 millions d’euros, annoncé l’an dernier)

Malheureusement, nous n’avons pas encore la réponse à cette énigme, toutefois ces 3 scénarios sont plausibles. Il faut avouer sans l’ombre d’un doute, que l’Espagne a été le pays européen le plus tolérant sur le sujet au cours des 20 dernières années, ce qui a donné lieu au grand désordre que l’on peut y observer de nos jours. C’est un fait qu’il faut savoir reconnaître.

Il y a un facteur commun dans tout cela qui est la plante de cannabis, en revanche, le côté problématique est que l’on retrouve maintenant cette dernière dans des environnements dont la légalité est variable, avec des pratiques plus acceptables que d’autres et des aspects néfastes, comme le crime organisé, entrainant des actes de violence sans précédent et une économie souterraine toujours plus forte.

D’un autre côté, il faut également penser à des milliers de travailleurs se retrouvant aujourd’hui dans une situation précaire, qui sont des citoyens des plus respectables, ayant des valeurs éthiques et morales, respectant la vie en société, qui ont un certain savoir-faire comme une expérience accrue, au sein d’un secteur d’activité qui n’a pas encore la reconnaissance qu’il mérite.

Ces contrastes méritent d’être soulignés pour avoir une meilleure compréhension de l’ensemble. Cette catégorie de personnes représente fort heureusement la majorité de cette industrie, cependant, c’est un aspect qui reste assez discret, et même imperceptible dans l’opinion publique, car ces mêmes personnes souffrent d’une stigmatisation ou discrimination sociale forte.

Ils sont clairement des victimes d’une marginalisation injuste, qui est la résultante d’une politique inadaptée. Tout cela démontre bien l’échec international de la politique des drogues, et notamment du chanvre au sens global, qui fait preuve d’une méconnaissance profonde de la part des États, car ils n’arrivent pas à en distinguer les différents aspects cruciaux avec objectivité.

Pourtant, il est vraiment temps d’ouvrir les yeux, pour se rendre compte que le THC et le CBD ont respectivement un rôle bénéfique à jouer, que ce soit pour un usage médical ou bien récréatif du cannabis, comme bien d’autres phytocannabinoïdes présents dans le chanvre. Il est nécessaire à présent, que la vente et la possession de marijuana soient tout à fait légales, pas qu’en Espagne, mais aussi dans un pays comme la France, qui est le plus gros consommateur de la communauté Européenne.

La conclusion de tout cela, est que la plante joue bien un rôle crucial dans notre société, à différents niveaux, il appartient maintenant à la classe politique de bien vouloir lui accorder la place qu’elle mérite par le biais d’une régulation officielle, claire, structurée, équitable et objective face aux besoins de la société actuelle.

Vous avez aimé cet article ?
Partager sur Facebook
Partager sur Twitter
Partager sur Linkedin
Partager sur Pinterest